La fin du rêve Indien ?
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Réveillé à 6h du matin, une fois de plus à cause du chantier en face de chez nous qui n’en finit pas (petit immeuble de 4 étages construit à l’indienne donc ça fait déjà près de deux ans qu’ils ont commencé), je récupère dans sa chambre, notre fils d’un an et demi, en pleurs. Il a lui aussi été réveillé. Je l’amène dans notre chambre pour tenter de le rendormir dans notre lit et gratter quelques minutes de sommeil, après tout c’est férié aujourd’hui.
Tout le monde se rendort finalement à part moi. J’attrape mon smartphone pour tenter de lire quelque chose d’intelligent sans réveiller tout le monde. J’ouvre donc « The New Yorker » qui me déçoit rarement en la matière. Je tombe sur un article pour une fois proche de mes préoccupations, il s’agit d’un témoignage d’une américaine (sur)vivant dans la pollution de Delhi. Elle y décrit un quotidien circonscrit aux zones couvertes par des purificateurs d’air intérieurs tournants à plein régime et où il n’est pratiquement plus possible de mettre un pied dehors (pour les riches), pendant que les pauvres meurent de crises d’asthme… J’exagère à peine ce que je viens d’y lire et qui me semble assez proche de ce qu’on entend depuis le Sud de l’Inde sur Delhi. Nous sommes dans le Sud, qui plus est à Bangalore, donc rien à voir. Du moins c’est ce qu’on se plaît à croire.
Petit flashback sur la semaine que nous venons de vivre avec ma petite famille : lundi soir, en rentrant du travail, je trouve que notre fils, Noé, siffle beaucoup en respirant. Quand Johanne qui a de l’asthme, rentre à son tour, son diagnostic est plus alarmiste que le mien, il faut voir un docteur, il a le souffle court et ne respire pas bien. On prend donc la direction de Manipal Hospital car il est 20h et on sait qu’on sera facilement pris aux urgences pédiatriques là-bas. Petite précision, on va ici à l’hôpital comme on va chez le médecin en France, donc pas forcément en situation de panique. Arrivés aux urgences, tout s’enchaine normalement au début, auscultation, prise de pouls et radio (on est habitué, une fois à l’hôpital, ils ne lésinent pas sur les moyens vu que tout est sous le même toit et que, étant un hopital privé, plus on en fait, plus on paye, même si étant en Inde, tout ça reste raisonnable). Le choc arrive quand le docteur examine la radio. Il y a une grande tâche blanche sur un poumon, il est formel, ça ressemble à une pneumonie, on ne peut pas prendre de risques, il faut faire des examens supplémentaires, lui donner de l’oxygène… On restera là cette nuit… S’en suit une prise de sang qui se transforme par une pose de catéter, injection d’antibiotique. Une certaine violence à laquelle on ne s’attendait pas ! et voir notre fils d’un et demi avec ce catérer nous fait basculer pour de bon dans une ambiance grave. Les deux jours suivants se passent comme toute hospitalisation : on a hâte que ça se termine même si on s’occupe très bien de nous à Manipal. Notre fils retrouve des bons taux de saturation en oxygène dans le sang après deux jours et deux nuits à l’hôpital. On parvient à sortir le deuxième jour en début d’après-midi mais on est bon pour y repasser trois fois par jour pendant trois jours pour des inhalations. Il n’avait pas de pneumonie, « juste » une infection doublée d’une allergie a priori. Le diagnostic n’est pas très clair car tout ça est certainement le résultat d’un mix de rhume-virus-pollution.
On repense au fait qu’en effet, depuis plusieurs soirs d’affilée, la zone militaire adjacente à notre maison brûle des déchets tous les soirs et que ça sent le brûlé chez nous. On se rassurait avec le purificateur d’air présent dans la chambre de Noé… Quand on rentre de l’hôpital, on retrouve la même situation et on doit donc y repartir trois heures plus tard. Noé siffle de nouveau. Finlamenent tout rentre dans l’ordre après sa séance d’inhalation. Mais un doute subsiste. Et si tout ça était vraiment lié à la pollution ? et si Bangalore n’était pas aussi épargné qu’on veut bien le croire par la pollution touchant de plus en plus toute l’Inde ?
Je resasse ces idées ce matin, ravivées par la lecture de cet article sur la situation cauchemardesque de Delhi, par une consultation des différents sites de qualité de l’air (Air Quality Index et Plume). Et si notre rêve de vivre en Inde était devenu dangereux pour notre fils et pour nous ? Nous avons construit ici notre vie depuis plus de cinq ans : création d’une entreprise qui nous fait vivre avec une vingtaine d’employés, co-création d’une entreprise de restauration rapide à la française, cercle d’amis locaux fort et surtout, un style de vie multi-culturel, confortable, avec sa petite dose d’aventures quotidiennes qui parfois nous fatigue mais que nous aimons au final beaucoup.
Je finis ma matinée en surfant sur Amazon à la recherche de nouveaux purificateurs d’air. Il va nous en falloir dans plus de pièces. Il existe aussi des purificateurs d’air pour voitures… je regarde ça puis une pensée me vient. Notre voiture est une vieille Ambassador Diesel qui pollue. Mettre un purificateur d’air dedans tout en polluant l’extérieur serait ridicule.
C’est à ce moment là que je réalise que c’est tout notre style de vie actuel et nos rêves d’avenir pour nous et l’Inde qui sont en jeu et qui ne tiennent plus tout à fait debout.
J’ai écrit cet article à chaud. On verra si ces peurs et doutes se dissipent dans les jours, semaines, mois qui viennent.
mise à jour du dimanche 28/01 : j’ai écrit cet article vendredi matin (26) et depuis nous avons donc fini les séances d’inhalations et Noé respire toujours bien, donc voilà, pas d’inquiétudes, Noé va bien. Même si les questions demeurent…
Bonne chance.
Peut-être pouvez-vous essayer de trouver un nouveau logement dans un endroit où la pollution ne sévit pas comme ici avant de prendre la décision de quitter l’Inde?
En effet, on y pense. Maintenant, pour ce qui est de Bangalore, on sait que peu importe l’endroit un nouveau chantier, des poubelles qui brûlent, ça peut arriver partout. Quand au reste des métropoles indiennes, elles sont toutes plus polluées que Bangalore… Reste la campagne, et encore avec cette habitude de brûler ses déchets à ciel ouvert. Bref, on va étudier les différentes solutions et mieux se renseigner sur ces problèmes qui ne touchent de toutes façons pas que l’Inde.
Consternée mais pas étonnée
J ai connu Pekin où circulaient une myriade de vélos , quelques voitures ici ou là …….depuis quelques années il y est dangereux de circuler à vélo et les pekinois ne sortent plus sans masque .C est l avenir qui semble se dessiner pour toutes ces mégapoles si on laisse la situation évoluer sans prendre conscience de notre responsabilité
Il va falloir changer ses habitudes par forcément au détriment de notre confort d ailleurs: manger mieux , marcher , courir faire du vélo …tout cela va dans le sens d une meilleure santé pour soi et les autres
En effet, c’est tout le développement actuel qui est remis en cause et c’est certainement une bonne chose pour l’avenir. Maintenant ça va prendre du temps pour qu’il y ait une prise de conscience générale, surtout dans les pays en développement qui accèdent tout juste aux « charmes » de la société de consommation. Enfin, le changement commence par soi-même.